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Narrations de recherche

Points de vue sur les narrations de recherche

Pour compléter les pistes d’utilisation des narrations de recherche, voici un entretien avec trois professeurs utilisateurs réguliers de narrations de recherche dans leur classes, que nous remercions pour ces témoignages précis et complémentaires :


Pourquoi avoir proposé des narrations de recherche à vos élèves ?

Michel

L’envie de faire découvrir à mes élèves ce que signifie rechercher un problème, avec l’idée que cela peut prendre du temps, qu’on peut très bien ne pas trouver immédiatement.
J’avais lu un article dans la revue Repères des IREM qui présentait les narrations de recherche et lors d’une réunion de secteur, une collègue nous a signalé qu’elle pratiquait les narrations de recherche.

Sébastien

J’ai découvert ce type d’exercice dans les brochures publiées par l’APMEP.
Étant déjà intéressé et ayant expérimenté des pratiques telles que le débat scientifique, les problèmes ouverts ou les situations problèmes ; la narration de recherche m’a semblé un outil intéressant permettant de proposer autre chose aux élèves que la simple résolution d’exercices plus ou moins type et favorisant une démarche scientifique.

Christophe

Un stage que j’avais suivi dans l’académie.
J’ai trouvé l’idée très intéressante au début.
Puis je me suis rendu compte de l’impact qu’elle avait sur les élèves.
Ils n’hésitent plus à essayer des pistes en classe, et cela rend les débats plus intéressants à chaque heure de cours.


Quelle place ont les narrations de recherche dans votre pratique ?
Comment s’articulent-elles avec les séances de cours et le travail à la maison ?

Michel

Pendant de nombreuses années, j’ai donné les narrations de recherche comme un devoir à faire à la maison.
Ils venaient rarement poser des questions en classe (pas de temps aménagé) mais ils en parlaient beaucoup entre eux.

Maintenant, je les propose à faire en 3 heures dans une journée avec une de mes collègues de français (2 heures français et 1 heure maths).
Il y a 2 problèmes distribués pour éviter les copies sur le travail du voisin.
Nous regardons nos emplois du temps et sélectionnons le jour où ma collègue a 2 heures avec la classe commune.
Ensuite, tout dépend de la place de ces 3 heures dans la journée.
Nous nous adaptons en fonction pour distribuer les problèmes et récupérer les copies.
Nécessairement, les élèves ont au moins une récréation entre ces heures.
Ils ont donc l’occasion de discuter des problèmes entre eux et de changer de point de vue.
Les récits mentionnent ou non ces échanges.
Cette année, j’ai eu un retour d’un collègue d’EPS qui aime bien les énigmes et qui a une des classes comme professeur principal.
Les élèves ont voulu discuter des problèmes sur lesquels ils avaient travaillés lors de leur heure de vie de classe qui a suivi.
Certains élèves ont présentés leur solution à cette occasion.

Mon objectif principal est de développer l’aptitude à la recherche.
Voici un tableau qui décrit les divers moments d’une recherche.
Je l’ai donné 2 ans de suite, mais maintenant, je ne le donne plus.
Je préfère que les élèves se forgent une méthode personnelle, éventuellement à partir de mes conseils.

La plupart des problèmes n’ont pas de rapport direct avec les séances de cours ; certains (rarement) me permettent l’introduction de certaines notions.
Une fois, avec une classe de 4ème, pour introduire le chapitre sur les équations, j’ai donné (avec l’aide d’une collègue de français), une narration collective.

Sébastien

La narration de recherche est un exercice qui existe pour lui-même.
Je ne cherche pas systématiquement un lien avec le cours, cependant il m’arrive, par exemple, de choisir un sujet dans lequel les élèves manipulent des nombres au carré avant de débuter le théorème de Pythagore ; avec quelques dizaines de manipulations de carrés ce n’est plus un obstacle supplémentaire pour aborder Pythagore.
J’en profite aussi pour aborder des thèmes en marge des programmes comme, par exemple, des problèmes de dénombrement.

Dans des classes avec des profils d’élèves particuliers (3ème d’insertion, CIPPA), je pratique cet exercice en classe et en groupe.
L’aspect narratif est souvent difficile à obtenir mais les recherches sont de qualité ; à la grande surprise et fierté de leurs auteurs, le plus souvent.
C’est un bon outil pour leur redonner confiance dans leurs capacités à "faire des choses".

Christophe

Les narrations de recherche sont le plus souvent déconnectées du cours.
C’est un plus, un moyen de faire des mathématiques autrement.
Parfois, il arrive qu’elles permettent d’aborder une nouvelle notion, un peu comme une situation-problème ; d’autres fois, c’est plus un moyen de réinvestir certaines parties du cours (mais des années antérieures) ou des notions qui ne sont pas ou peu travaillées (numération de position, par exemple).
Elles sont toutes données en travail à la maison.
Si les élèves me demandent des précisions ou si ils me demandent si ils sont sur la bonne voie, je peux leur répondre, comme il m’arrive aussi de répondre par mail à certaines de leurs interrogations.


Au cours de l’année, quel rythme donnez-vous aux narrations ?
Quelles évolutions avez-vous remarquées dans la qualité et le respect des consignes par les élèves ?

Michel

Le rythme est de 2 à 3 par an.
Les élèves s’adaptent très vite et dès le deuxième problème, on obtient de très bonnes narrations.

Sébastien

Dans mes classes de 4ème et 3ème, je les donne en DM, à raison de 2 ou 3 par trimestre.
Il est très net qu’au fur et à mesure les élèves ont, dans leur grande majorité, la volonté de mieux faire.
Cette volonté s’observe tant pour la qualité des narrations que pour la qualité des recherches.
Il faut parfois un peu de temps pour que cela arrive mais il est rare que des élèves restent totalement en retrait par rapport à cet exercice.
Au fil de l’année, on rencontre régulièrement des élèves qui tentent, à plus ou moins bon escient, de réutiliser des méthodes rencontrées lors des sujets précédents.

Christophe

La première narration de recherche est donné au début de l’année, puis à chaque vacances scolaire.
La première est plutôt mal réussie, puis les élèves jouent, de plus en plus, le jeu et les narrations deviennent de plus en plus intéressantes à lire.


Du point de vue de l’élève, quels sont les avantages à devoir faire une narration de recherche ?

Michel

Voici quelques paroles d’élèves :

Sébastien

C’est à eux qu’il faudrait demander...
Je peux juste dire que certains élèves en grandes difficultés, par exemple, à cause du temps limité en classe, trouvent un espace pour produire des documents de qualité avec des raisonnements intéressants.
Pour d’autres, cela démystifie l’erreur et leur permet sur d’autres exercices, des démonstrations par exemple, d’oser produire ; ce qui est un bon départ pour avancer ensemble par la suite.
Certains choisissent même d’aborder toutes leurs démonstrations sous forme d’une narration de recherche.
Enfin, effet inattendu, quelques élèves profitent de leurs narration pour évoquer de façon plus ou moins directe certains problèmes qu’ils peuvent rencontrer à la maison sous forme d’anecdotes dans leurs copies.

Christophe

Le premier avantage qu’ils voient est la bonne note en perspective.
Il est hors de question pour moi de pénaliser fortement la narration.
Pour certains, c’est un jeu.
Cela leur permet aussi d’être un peu moins rigoureux dans leur réponse et donc de leur permettre d’exposer leur recherche sans être coincés par la formulation un peu plus rigide des mathématiques.
Ils ne sont également plus obligés d’avoir la bonne réponse, cela devient secondaire et sont donc libérés du poids de la performance.


En tant que professeur, que vous apportent les narrations de recherche?

Michel

Des informations sur les difficultés d’écriture des élèves, sur les raisonnements mis en œuvre.
C’est l’occasion de personnaliser les conseils (sur la copie) et de montrer (en classe) la validité ou non des raisonnements.
Voici ce qu’une de mes collègues de français écrivait en 2001 :

« Il semble que la pratique de la narration de recherche en mathématiques permet essentiellement de progresser dans trois dimensions :

Une autre collègue me signale que cela donne des informations aussi sur les difficultés que les élèves ont à développer, à préciser leur pensée.

Sébastien

Même si c’est nettement plus long de corriger un paquet de narrations qu’une série de calculs c’est aussi infiniment plus intéressant, chaque copie est différente de la précédente, les élèves ont parfois des idées réellement surprenantes (qu’elles aboutissent ou non) et font souvent preuve d’une grande ingéniosité.
Leurs productions sont aussi souvent l’occasion de mettre en exergue des raisonnements intéressants (analogie, approche de la récurrence, exhaustivité...) ou des conceptions erronées solidement ancrées (de la proportionnalité à toutes les sauces par exemple) en s’appuyant sur des choses qui leur parlent puisqu’il s’agit de leurs productions.

Christophe

Les narrations permettent de comprendre un peu mieux les élèves dans leur façon de chercher.
Elles permettent de repérer plus facilement les élèves qui ont des difficultés de français, ceux qui ont du mal à expliquer, ceux qui font des maths à l’instinct mais qui ont du mal à entrer dans la rédaction rigide des mathématiques.


D’après vous, quels sont les points faibles des narrations de recherche ?

Michel

Cela prend du temps.
Un autre point faible est que les élèves ont tendance à ne pas tout décrire : les échanges entre élèves par exemple, les erreurs de lecture ou les erreurs d’interprétation ou les nombreux essais effectués...
Les élèves ont tendance à se concentrer sur la rédaction de la solution et à oublier tout le travail de recherche, surtout le début de leur recherche avec les difficultés de lecture ou de compréhension de l’énoncé du problème.
Il faut dire à leur décharge que c’est l’habitude qu’ils ont prise avec les exercices traditionnels.

Sébastien

Je n’en vois pas vraiment.
Peut-être, le temps nécessaire, pour les élèves comme pour l’enseignant.
Mais le rapport bénéfice/temps me semble très largement supérieur à 1.

Christophe

Je n’en vois pas.


Comment avez-vous géré le changement de consignes et d’habitudes par rapport à un exercice "classique" ?
Avez-vous eu des questionnements des parents à ce sujet ?

Michel

Le gros changement a été l’évaluation.
Pour cela, je me donne des critères pour évaluer les copies.
Je donne une note de 1 à 5 pour chaque critère.
Ces critères sont connus à l’avance et je demande à chaque élève de s’auto-évaluer.
Vous trouverez quelques critères dans le tableau ci-joint.
Actuellement, j’utilise plutôt les critères suivants : le récit, la pertinence et la volonté de comprendre, l’esprit d’initiative et d’invention, l’utilisation d’outils et la volonté d’organiser sa recherche.
Je présente aux parents ce type de travail lors de la réunion en début d’année. L’accueil est plutôt favorable.

Sébastien

J’ai décidé de prendre le temps...
Avant la première narration je prends 30 minutes ou plus pour bien expliquer aux élèves le changement de contrat didactique, essentiellement le fait que l’erreur n’est pas un problème, et même que compte tenu des sujets il est quasiment impossible de ne pas en commettre ; que la solution n’est vraiment pas indispensable.
Je détaille aussi les critères d’évaluation, précise bien la règle en matière d’aide extérieure...
Tous ces éléments sont rappelés sur un document papier auquel il est demandé aux élèves de se référer sur chaque sujet de narration de recherche.

Ensuite, lors des premiers retours sur les copies, je prends du temps pour lire de larges extraits des copies les plus intéressantes à l’ensemble de la classe ; j’essaye parallèlement de prendre un peu de temps, en tête à tête ou en petit groupe, avec les élèves les plus en difficultés face à l’exercice.

Par rapport aux parents, c’est parfois compliqué car ils ne connaissent généralement pas ce type d’exercice et sont dépourvus pour les aider, il faut prévoir un peu de temps de discussion.
Je fais aussi signer par les parents la fiche de présentation de l’activité.
Il y aussi un côté sympathique ce sont les parents qui commencent une rencontre en "exigeant" la réponse à tel ou tel problème sur lequel ils ont bloqué !
Certains me rendent même les brouillons de leur recherche avec les copies de leur enfant.

Christophe

La consigne est d’abord explicitée à l’ensemble de la classe, et est écrite complètement sur la feuille remise aux élèves.
En ce qui concerne les parents, énormément : "C’est quoi ce truc ?" ; "A quoi ça sert ?" ; "C’est pas des maths !"…
Après leur avoir montré les programmes, et leur avoir expliqué le pourquoi des narrations de recherche, ils adhèrent assez bien.
C’est aussi un moyen de faire des mathématiques en famille.
Beaucoup d’élèves demandent à leur parents, et tout le monde s’y met.
Ça permet de dédramatiser les maths dans beaucoup de familles.
C’est l’un des points les plus positifs.


Quelles sont les différences du point de vue de la correction ?
Quel barème utilisez-vous ?

Michel

Je lis rapidement l’ensemble des copies pour me donner une première impression sur le travail des élèves ; puis je reprends chaque copie en mettant dans la marge des symboles qui renvoient à des commentaires et conseils que j’écris à la fin de la copie.
Je souligne les fautes de français que je repère.
Je remplis la grille d’évaluation une fois la copie commentée et je mets un commentaire général.

Sébastien

A propos de l’évaluation individuelle d’une copie, trois grands critères sont distinguables :

Il ne semble pas opportun de considérer la qualité orthographique et syntaxique de la narration comme un critère d’évaluation, même si ces deux problématiques peuvent tout à fait faire l’objet d’un travail ultérieur, par exemple en collaboration avec leur enseignant de français pour les collégiens ou comme une production écrite dans le 1er degré.

Personnellement, je note la qualité de la narration sur 7 points, la qualité de la recherche sur 6 points et le travail sur les erreurs (détection, exploitation...) sur 4 points.
Il reste 3 points par rapport au sentiment général que m’inspire la copie.
Il m’arrive parfois de laisser le barème de côté pour mettre une excellente note à une copie (entre 18 et 20) même si chaque critère pris séparément n’est pas parfait.

Christophe

J’ai un barème type en général 10 points pour la narration et 10 points pour la recherche mais les points attribués par rubrique peuvent varier légèrement en fonction de la narration.
C’est plus intéressant à corriger qu’un paquet de copie type.
On sait rarement à l’avance où l’élève va nous emmener.
C’est à peine plus long qu’un paquet de copie type brevet dans une classe de 3ème.

En complément de ces réponses, cette page présente différents barèmes possibles.


Une fois corrigées, comment rendez-vous les copies ?

Michel

Je lis les passages intéressants, en montrant des récits de début de recherche, des récits de différentes solutions, des récits d’erreurs.
Parfois, des élèves viennent expliquer leur solution.

Sébastien

La nature de l’exercice ne rend pas possible la traditionnelle séance de correction consistant essentiellement à donner la réponse juste au problème donné.
Ici la communication de la solution mathématique n’est pas nécessairement possible ou souhaitable dans toute sa rigueur, il faudra penser à quelles pistes on peut donner pour satisfaire la curiosité des élèves qui sont souvent demandeurs d’une réponse à un problème sur lequel ils ont parfois planché plusieurs heures.

En rendant les copies, on peut travailler sur deux pistes :

Christophe

Je rends les copie à l’ensemble de la classe en commentant presque à chaque fois les points forts et faibles des copies.
Pour la correction à l’ensemble de la classe, je fais "la narration" de la correction et donne les pistes qui ont été données par les élèves, en privilégiant les élèves plutôt en difficultés pour mettre en avant ce qu’ils ont réussi à faire.
Comme dit précédemment, cela permet parfois d’aborder une nouvelle notion du cours ou de rappeler certains points déjà vus.
Les copies les plus intéressantes circulent également dans la classe afin de montrer aux élèves qui n’ont pas bien compris ce que j’attendais d’eux, puissent se faire une idée plus précise.

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